Jean Paul Brusset

Quand Katia Granoff parle dans l'intimité de Jean Paul Brusset, elle dit de lui, "Brusset, c'est pour mes petits-enfants", et les caves de sa galerie sont pleines de ses toiles.
C'est un hommage, certes, mais sans autant attendre, cette exposition situera-t-elle Jean Paul Brusset auprès du grand public à la place que lui accordent déjà les collectionneurs ?
Bien sûr, Brusset se soucie peu de cette consécration et au moindre prétexte prend le chemin de la bohème. Parti en Espagne pour six mois, il y est depuis dix ans. Loin de tout. Trop loin. Mais "bientôt, définitivement" - dit-il! - il viendra s'installer près d'Aix-en-Provence, le pays de Cézanne, le sien aussi, car comme le maître D'Aix, Jean Paul Brusset est un latin. "Tendresse pour ce pays, sublimation, émotion et surtout "tempérament" (le mot-clé de Cézanne) voilà les secrets de l'artiste méditerranéen qui est le plus souvent, comme Brusset, un "gestuel" pur. Pour avoir longtemps été éloigné de ces rivages, Brusset n'en a pas moins gardé l'essentiel des qualités des créateurs de ce pays." (Texte d'André Alauzan.)
Ce "tempérament" met Brusset à l'écart des tyrannies qui, dans la future "aire culture" qui se prépare, veulent la reconstituer à froid à coups de cocktails et d'actions promotionnelles.

BIOGRAPHIE

Présentée par
M. J. TATUM

Jean Paul Brusset travaillant au portrait de Jean Cocteau

A l'encontre de beaucoup, Brusset ne veut rien prouver. Il peint ".., avec une étonnante sobriété de moyens qui affirme l'incontestable maîtrise. Brusset réagit à la fois contre le débraillé, le fignolé, contre la facilité ou le racolage facile. Il prend ses distances et du poids. Il s'impose mais ne parade pas." (Marcel Sauvage)
Si après Van Gogh, Brusset peint des tournesols, c'est qu'il pense qu'avec divers bonheurs il v a une infinité de façons de s'exprimer sans gommer la difficulté par l'abstraction. La PEINTURE est avant tout quelque chose de très humain, un humain qui de plus en plus nous échappe. Une spontanéité qui ne se fabrique pas. Il n'y a pas de peinture ancienne ou moderne, il n'y a que la bonne et la mauvaise peinture. Une bonne peinture n'a pas besoin d'explication.

Qui est jean Paul Brusset?
Quelques petites églises du XVème siècle en Haute Provence gardent encore inscrit dans la pierre le nom de Brusset. C'est la signature de maîtres d'oeuvres écossais venus en France à l'époque de Jeanne d'Arc et qui y demeurèrent. Jean Paul Brusset ne faillit pas à la tradition de ses ancêtres. A côté de son chevalet, la table de dessin est encombrée d'esquisses et de plans. "C'est ma marotte, ça me repose de la peinture", dit-il.
Né au Pont du Gard près de Nîmes, il fait ses études secondaires au collège d'Uzès, sur le même banc d'études qu'avait occupé son père. Puis il "monte" à Paris. Quand son professeur Wlerick lui dit, "Vas-y et n'écoute plus personne", il ne déroge pas au conseil de son maître, et choisit d'être autodidacte.
1929__________________________________________________________________________________________________________ Dès vingt ans jean Paul Brusset est reçu au Salon d'Automne et y vend sa première peinture à un amateur suisse. "Le Pont d'Avignon", n° 202 du catalogue.
Par la suite il participe à tous les grands salons: Salon des Tuileries, Salon des Peintres Témoins de Leur Temps, l'Ecole de Paris à la galerie Charpentier, etc.
Tristan Bernard préface le catalogue de sa première exposition particulière. "Un bon peintre est un véritable interprète de la nature puisqu'il sait lui faire parler un langage que peu de nous arriveraient tout seul à comprendre. Merci, jean Paul Brusset, pour m'avoir fait voyager si agréablement, sans crainte de la poussière dans l'oeil et des coups de soleil".
Mais comme le dira justement Gertrude Stein: "Il y a une génération perdue", celle des jeunes des années 1930.
Pas un instant Brusset n'abandonne la peinture, mais pour subsister devient décorateur. Il en sera un des meilleurs. Il signe la décoration de tous les grands galas du Palm Beach de Cannes et du Festival International du Film. II décore le Bal des Petits Lits Blancs, crée le night club le plus célèbre de l'époque, le "Paradise Club", qui sera reproduit jusqu'à New York. Plus tard il décorera le "Boeuf sur le Toit" de Louis Moyses.
1938__________________________________________________________________________________________________________ Pour sa décoration du pavillon des Vins de France à l'exposition internationale de Paris, J. P. B. parcourt les vignobles de France et en rapporte quelques mille dessins, dont l'imprimeur D. Jacomet édite une sélection sous forme d'album préfacé par Monsieur le Président de la République. Le journaliste jean Eparvier se fait l'écho de l'intérêt suscité dans l'esprit du public: "On veut tout savoir de l'homme en train de devenir célèbre."
1939__________________________________________________________________________________________________________ Brusset est mobilisé dans la Marine. Il a épousé Marika, fille de Marevna et Diego Rivera.
1940__________________________________________________________________________________________________________ Le gouvernement Paul Reynaud demande à Brusset un reportage de dessins sur la France en guerre.., qui restera inachevé. Les éditions A. Guillet acquièrent la plupart de ces dessins. Brusset quitte la France pour Alger.
1942__________________________________________________________________________________________________________ J. P. B. décore les studios de "La Voix de l'Amérique" à Alger. Il s'engage aux Corps Francs d'Afrique, il est affecté comme attaché à la propagande au Secrétariat Général du gouvernement de France à Tunis. Exposition Galerie Sélection, Tunis, préface de M.E.L. Brami.
1945__________________________________________________________________________________________________________ Retour à Paris. Brusset repart à zéro.
1946__________________________________________________________________________________________________________ Exposition galerie Maeght.
Michelle Seurière écrit dans "Arts": "Nous retrouvons ici, avec un mouvement plus large encore, une richesse plus aiguë, le style de Brusset. En affinités profondes avec Laprade, il donne à une pâte somptueusement traitée une harmonie générale de gris précieux, toujours essentiels, mais qu'il nuance maintenant de roses choisis, de verts tendres, d'un rouge chaleureux, à peine entrevus. Ses natures mortes unissent la délicatesse et la force du lyrisme à l'assurance de la construction plastique et apportent, par leur bel ensemble, l'éclatante confirmation de la personnalité du peintre."
H. Heraud témoigne son admiration: "C'est pour nous une véritable surprise de découvrir un aussi beau talent, trop ignoré jusqu'ici. Brusset est un véritable peintre (ce qui est déjà assez rare) mais il demeure surtout un homme, possédant une vie intérieure profonde, un "coeur sérieux"." ("L'Amateur d'Art")
Certes, un homme qui rue trop souvent dans les brancards, dans les rails du milieu de la peinture. Un homme profondément simple et aimable qui arrive cependant à se faire dans Paris une solide réputation d'emmerdeur. Il faut en réalité plutôt voir là les raisons de ses fréquents départs.
1948__________________________________________________________________________________________________________ Départ aux Etats Unis, avec un léger détour par le Venezuela, où le gouvernement confie à J. P. B. la création de ses 24 nouveaux timbres-postes.
Exposition au Musée des Beaux Arts de Caracas. Peinture acquise par l'Etat.
1950__________________________________________________________________________________________________________ San Juan de Puerto Rico. J. P. B. décore le gala "Nuit de Paris" donné au Caribe Hilton pour le vernissage de son exposition.
1950-1954______________________________________________________________________________________________________ Expositions "Paris by Brusset" présentées en Amérique à l'occasion de l'anniversaire des 2000 ans de Paris, sous le haut patronage de Ni. René de Messières, Attaché Culturel de l'Ambassade de France à Washington. Catalogue préfacé par Paul Claudel.
New Orleans, Delgado Vluseum of Art. Peinture acquise par le musée. Cette exposition a un succès si grand qu'elle vaut à J. P. B. les distinctions de Citoyen d'Honneur de la ville et Colonel de la Garde d'Honneur de Monsieur le Gouverneur de la Louisiane, honneur jamais auparavant conféré à un étranger.
Par la suite "Paris by Brusset" est présenté dans plusieurs villes: Memphis (Mlemorial Art Museum, peinture acquise par le musée); Baton Rouge (Louisiana Art Commission Gallery); Shreveport (Louisiana State Exhibit Museum); San Francisco (Museum of the Palace of the Legion of Honor); New-York (Hugo Galleries); Dallas (Sartor Gallery); Miami (Robinson Galleries); Sarasota (The Goddard Gallery); Montréal (Waldorf Galleries); Toronto (Laing Galleries).
1955__________________________________________________________________________________________________________ Retour en France.
Près de Vallauris, J. P. B. se passionne pour la céramique. L'exposition de céramique qu'il présente à Cannes reçoit le Prix de l'Académie Internationale de la Céramique de Genève.
1957__________________________________________________________________________________________________________ Exposition galerie Vendôme, Paris. Peinture acquise par l'Etat.
La préface du catalogue est de jean Cocteau, que Brusset vient d'aider à la décoration de la chapelle de Villefranche-sur-Mer. Cocteau dira: "Cette chapelle est inspirée. Elle se fait toute seule."